Un grand merci à tous les bénévoles, à Julien Péron, et toute son équipe pour ce beau WE de partage de compétences autour de l’éducation.
De riches réflexions qui apportent de multiples inspirations, et puis il y a les rencontres, les parcours et les chemins de vie. Ces chemins qui amènent à porter un regard sur la vie et qui posent les réflexions. Ces chemins m’intéressent autant que les réflexions ou les idées elles-mêmes : comment ton idée est-elle venue ? Quel est ton parcours ? Nous comprenons mieux les idées lorsque l’on saisit leurs naissances, leurs voyages.
Puis viens le temps de l’échange et du partage, celui qui nous enrichit, enrichit nos idées et les augmente. Nos réflexions ont besoin du partage, de l’entente ou de la controverse pour grandir avec nous.
Quelle innovation pour l’éducation ?
« Quelle innovation pour l’éducation ? » est la question qui m’a été posée. Dans l’exercice, je n’avais la possibilité de proposer qu’une seule idée, une seule innovation. À cet instant, ce qui me sembla important était de témoigner de la richesse des diversités éducatives. Parce que justement, il n’existe aucune formation, aucun type d’éducation qui était « La solution ».
Réduire ainsi la question, sur un sujet complexe, à une seule innovation m’a déstabilisé.
Se former, diversifier, interagir, échanger les pratiques pour finalement se faire sa propre idée et suivre son chemin; éduquer avec notre histoire, nos envies aussi.
Se faire plaisir surtout. Se faire plaisir sur tout. Dans la transmission, accepter que ce que l’on transmet ne semble pas toujours pris et utilisé par l’autre, par l’enfant… Il en reste toujours quelque chose. Laisser vivre son intuition, tester, accueillir, se questionner, faire des erreurs et ECOUTER.
Et puis, « l’innovation » extérieure existe-t-elle ? L’innovation est en chacun nous, peut-être…
Et puis aussi :
« Arrêtons de vouloir. Cessons d’être en attente de résultat. Soyons conscients des problèmes que nous créons aux enfants en n’étant pas réellement à leur écoute. Arrêtons de vouloir. Si je suis en train de vouloir, je ne suis pas à l’écoute de ce qui se passe, je ne suis pas prêt à accueillir ce qui est, mais je suis en attente de ce que je veux. »
Extrait arrêtons de vouloir – Aline de Pétigny
Depuis, cette question, « quelle innovation en éducation ? » est resté là. A boucler dans ma tête. La réponse que j’avais donnée ne faisait pas vraiment sens pour moi. Il manquait quelque chose d’essentiel. Même cette diversité n’était pas le cœur de l’innovation en éducation que je pensais nécessaire. J’étais passé à côté de ce que je ressentais. Et puis, ce matin je lis dans cet interview d’Edgar Morin, « Bien des problèmes importants et même vitaux sont exclus de l’enseignement comme celui des sources d’erreur et d’illusion, la compréhension d’autrui; on ne nous enseigne pas ce qu’est notre identité humaine. »
Une réforme des esprits.
Que se passerait-il si nous positionnons comme préalable à toute instruction la découverte de soi, le développement de la pensée, les interactions, le vivre ensemble, la relation à la nature. Si nous considérions la création, la pratique de la philosophie, les arts, non comme des luxes, comme des matières annexes, mais une nécessité pour faire société, pour changer de paradigme et vivre mieux.
Finalement le savoir-être et le vivre ensemble ne sont-ils pas à la base de l’éducation ? L’innovation serait donc les bases, les fondements. Hors de tout concept, technique ou manière de présenter l’instruction. Hors Montessori, Freinet, Apprentissage des émotions, éducation bienveillante, pédagogie positive, il existe l’écoute, la relation à l’autre, savoir être, réellement, avec l’enfant, vivre ensemble, avec l’enfant, sans domination, il existe ce que nous savons au plus profond de nous, ce que le cœur transmet que l’esprit ne comprend pas.
Adultes, nous passons des heures à tenter d’échanger, de collaborer, à se parler. Que nous sommes nuls ! Quels handicapés faisons-nous ! Regardons-nous, tous des « responsables », maîtres du Monde, politiques, syndicats, entreprises, maîtres d’école, parents dans leur foyer : nous ne savons pas faire !
Pour les Zins, Discipline positive, éducation bienveillante, pour les Zôtres, IEF, CNV, bien être, je vois beaucoup d’interventions pour nous dire « Comment » modifier l’éducation, très peu sur « quoi » changer dans l’éducation. Finalement des changements de forme pour peu de changement de fond. Et aucun changement pour nos enfants qui veulent seulement Zêtres.
Certes, je suis convaincue que la forme est importante, la manière de parler à l’enfant et d’être avec lui est importante, mais comme avec chacun de nos pairs. C’est vrai dans toutes nos relations, pas seulement avec les enfants.
Mais oui il faut y porter une attention particulière, comme pour la femme, les handicapés, les anciens, les réfugiés, toutes ces minorités, qui ne sont mineurs que parce qu’on les place dans des cases trop petites. Comme ces minorités, donc, il reste encore un sacré chemin à parcourir pour prendre l’enfant comme un être humain égal à l’adulte. Et c’est essentiel, car, aujourd’hui encore, l’enfant est pris comme un demi-humain, un sous-humain, au lieu d’être pris comme un super humain : celui (le seul) qui à toutes les capacités en lui au départ. Adulte on a élagué !
Un sacré chemin à parcourir, pour prendre soin de chacun et de chaque chose de la vie et en particulier des enfants.
La forme pour mieux respecter nos enfants est importante, comment je présente mon respect c’est important. Le fond, le « respecter réellement » encore plus. Changer de forme sans changer le fond ne changera rien.
Et tant que l’on a besoin de la forme, c’est une béquille. J’aurais, personnellement besoin de la forme pour changer mon fond, et ce jusqu’à la fin de ma vie. J’espère que les enfants en auront moins besoin.
Si nous ne changeons pas les priorités, réfléchir à ce que nous voulons transmettre à nos enfants, un équilibre entre le fond ou la forme, les bases nécessaires à l’adulte, alors tout changement ne sera que peu de chose, toutes les innovations ne seront que de petites avancés.
« Il y a sclérose et immobilisme qui nécessitent une réforme des esprits autant difficile que nécessaire. »
Edgar Morin
C’est pour cela que je n’ai pas pu répondre à la question « Quelle innovation pour l’éducation ». La création, la pratique de la philosophie, les arts, existent depuis la nuit des temps. Il n’y a aucune innovation, il suffit de ne pas oublier, de ne pas s’oublier. Et c’est ce que nous tentons de faire et de transmettre chaque jour par nos livres depuis 20 ans.
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